Félix Fénéon (1861-1944), à gauche par Félix Vallotton, à droite par Paul Signac.

Hommage à la langue française la plus précise, la plus concise.

Extraits de ses "Nouvelles en trois lignes", articles de faits divers en trois lignes, un genre qu'il inventa, publiées dans le Matin de mai à Novembre 1906.

 

« Elle tomba. Il plongea. Disparus. »

« Mlle Paulin, des Mureaux, 46 ans, a été saccagée, à 9 heures du soir, par un satyre. »

« Madame Fournier, M. Voisin, M. Septeuil se sont pendus : neurasthénie, cancer, chômage. »

« Une machine à battre happa Mme Peccavi. On démonta celle-là pour dégager celle-ci. Morte. »

« Le syndicat de l’arsenal de Rochefort a décidé de présenter quatre revendications. Le refus ? La grève. »

« Un flacon flottait. Mauritz, de Sèvres, se pencha pour le prendre et tomba dans la Seine. Il est maintenant à la morgue. »

« Séquestrées, martyrisées, affamées par leur marâtre, les fillettes du Brestois Joseph, enfin délivrées, sont squelettiques. »

« Derrière un cercueil, Mangin, de Verdun, cheminait. Il n’atteignit pas, ce jour-là, le cimetière. La mort le surprit en route. »

« Au lieu de 175 000 francs dans la caisse de réserve en dépôt chez le receveur des contributions directes de Sousse, rien. »

« Mme Olympe Fraisse conte que, dans le bois de Bordezac (Gard), un faune fit subir de merveilleux outrages à ses 66 ans. »

« Les femmes rouges d’Hennebont ont saccagé les vivres qu’apportaient aux ouvriers rentrés aux forges les femmes jaunes. »

« C’est au cochonnet que l’apoplexie a terrassé  M. André, 75 ans, de Levallois. Sa boule roulait encore qu’il n’était déjà plus. »

« Un bœuf furieux traînait par la longe vers Poissy le cow-boy Bouyoux. Elle cassa. Alors ce bœuf démonta le cycliste Gervet. »

« Le feu, 126, boulevard Voltaire. Un caporal fut blessé. Deux lieutenants reçurent sur la tête, l’un une poutre, l’autre un pompier. »

« Sous des noms toujours neufs, une jeune femme se place comme bonne et vite file, lestée. Gain, 25 000 francs. On ne la pince pas. »

« MM. Deshumeurs, de La Ferté-sous-Jouarre, et Fontaine, de Nancy, se sont tués, en tombant l’un d’un camion, l’autre d’une fenêtre. »

« La cour de Nancy a condamné à quinze jours de prison et 200 francs M. Gosse, curé de Bennay, qui outragea le percepteur, à l’inventaire. »

 

Extrait du site www.evene.fr

Critique français; né à Turin le 29 juin 1861; décédé à Châtenay-Malabry le 29 février 1944

Connu pour ses qualités de critique d'art, Félix Fénéon fut un dénicheur de talents en son temps. En matière de talents littéraires, il fait connaître Arthur Rimbaud et ses 'Illuminations' (1886) alors qu'il est rédacteur pour la revue 'La Vogue'. Egalement rédacteur de la revue 'Blanche', il publie Verlaine, Mallarmé et Huysmans. Esthète, il est fervent défenseur de l'impressionnisme et du néo-impressionnisme. Là aussi, il fait la promotion de jeunes artistes tels que Seurat, Pissaro et Bonnaire. Ses opinions politiques n'en restent pas moins célèbres. Partisan des idées anarchistes, il fonde 'La Revue Indépendante' (1884) et collabore également aux revues 'L'En-Dehors', 'La Renaissance' et la 'Revue Anarchiste'. Cependant, ses opinions lui vaudront quelques déconvenues. Accusé lors du Procès de Trente, dont le but était de mettre fin aux agissements de la mouvance anarchiste, il sera finalement acquitté. Outre, son importance en tant que critique d'art, Fénéon est considéré comme l'un des pères de la brève. Un prix, suite à un legs de l'auteur à la Sorbonne, porte aujourd'hui son nom et permet de laisser leur chance à des auteurs jugés prometteurs.